Peux-tu nous faire un petit récapitulatif de la carrière de Silence ?

Avec plaisir ! La carrière de Silence débute en 1997 par l'album instrumental auto-produit "The Fifth Season". Suivi de "Trouble In Paradise", également instrumental, sorti sur le label Brennus en 2000. C'est peu de temps après que je fais la rencontre de Jérôme Cazard, à l'époque chanteur de Lucretia. Je désirais passer à autre chose, sortir du cercle très fermé de la musique instrumentale. L'alchimie entre nous est immédiate et c'est ainsi que nous réalisons "Utopia" sorti en 2002 chez MTM en Allemagne. "Nostalgia", disponible actuellement sur le label espagnol Vinny Records est donc le 4ème album de Silence.

Curieusement, le groupe a changé de label pour chaque nouvel album. Pourquoi tous ces changements ? Une signature ok mais pas sous n'importe quelles conditions ?

Il s'agit plus d'opportunités, en fait. Grâce à Alain Ricard (Brennus), "Trouble In Paradise" a pu être commercialisé. Silence est sorti de l'anonymat à ce moment-là. Ce fut le premier vrai grand pas en avant. Et puis ma rencontre avec Jérôme a fait que ma façon de composer à évolué. Mettre en avant l'aspect mélodique et FM (même si "Utopia" renferme de larges inspirations "progressives") est devenu une volonté réelle. J'ai donc souhaité tout naturellement me tourner vers un label étranger plus spécifiquement "AOR". En l'occurence MTM. Ce fut une nouvelle et belle avancée pour Silence, l'album bénéficiant d'une distribution mondiale. Par la suite, MTM appréciant "Nostalgia"  mais ne souhaitant pas le sortir (apparemment pour des raisons conjoncturelles), j'ai recommencé à prospecter les labels étrangers et Vicente Corral de Vinny Records a tout de suite été emballé. Il a vraiment craqué sur l'album. J'ai été attiré par ce label, le connaissant déjà pour avoir sorti d'excellents albums comme ceux de 91 Suite ou Faithfull.

Je sais que tu passes beaucoup de temps dans ton studio à composer, arranger, mixer, produire. Quels sont tes critères de sélection pour qu'un morceau soit retenu pour figurer sur un album ?

Ma façon de composer ayant évoluée avec le temps, mes critères ont donc changés quelque peu. A l'époque, j'axais davantage mes efforts sur le côté technique. J'avais tendance à vouloir en "mettre partout" ! (rire) De longs breaks, beaucoup de solos etc ... Et puis avec le temps, j'ai canalisé et épuré un peu tout cela. Privilégier l'émotion et la mélodie. Depuis quelques années, je compose beaucoup sur guitare acoustique. Le feeling est donc tout autre. Plus direct. Plus immédiat. J'attache aussi une grande importance aux refrains. Ils doivent d'emblée être mémorisables. S'incruster et ne plus lâcher l'auditeur ! C'est un peu la recette d'une chanson réussie pour moi. Je compose énormément et de ce fait, je jette beaucoup ! Il m'arrive aussi très souvent de conserver des idées inachevées afin d'y revenir plus tard. En règle générale, quand je souhaite développer une idée,  j'ai déjà plus ou moins la chanson finie en tête. Ne me reste plus qu'à concrétiser et faire sonner tout cela le mieux possible ! 

Jérôme participe aux textes, aux mélodies mais tout le reste du travail t'incombe. N'est-ce pas pesant parfois de devoir gérer la création d'un album à 80%, voire plus ?

Sans tomber dans la langue de bois, je te dirai oui et non ! C'est pesant car je me mets beaucoup de pression, et il est parfois compliqué de prendre du recul. Je ne suis pas du genre auto-satisfait et suis souvent tenté de corriger ou améliorer ceci ou cela, jusqu'à ce que le résultat corresponde le plus fidèlement possible à ce que j'ai en tête. C'est souvent difficile de dire "Stop ! C'est bouclé !". En revanche, l'avantage est que je reste libre de mes choix, en concertation avec Jérôme sur tels ou tels points spécifiques. Personne ne m'impose de compromis, comme de devoir sonner ou composer de telle ou telle manière. C'est assez appréciable. D'autre part, tous les aspects de la conception d'un album me passionnent. De la première note écrite jusqu'à la création graphique. C'est de l'artisanat !

Combien de temps pour mettre à jour "Nostalgia" ? Comment s'est déroulé le processus de création pour cet album ?

Un an environ. Par rapport à l'album précédent, nous avons davantage travaillé en profondeur. Jusque dans les moindres détails. Et cela se ressent, je pense. Tant au niveau des compos et des textes, que de la production. Nous plaçons les textes une fois toutes les musiques écrites, quitte à réadapter telle ou telle partie musicale si besoin est. Nous avons voulu prendre suffisamment de temps pour réaliser le meilleur album possible. Les gens jugeront par eux-mêmes mais je pense, en toute modestie, que le résultat est à la hauteur de ce que nous souhaitions. "Nostalgia" est l'album le plus émotionnel que nous ayons réalisé. Le plus personnel aussi. 

Y-a t-il des compos dont tu es plus fier que d'autres sur l'album ? Si oui, précises-nous pour quelles raisons.

Ah mais je les aime toutes ! (rire). Disons que je suis assez content de "Just Us" (morceau figurant également sur single dans une version inédite). Je pense qu'il s'agit de l'une des meilleures compos de Silence, de part ses lignes mélodiques et la sensibilité qui en ressort. J'aime aussi la couleur "Road song" de "Brother", un morceau qui se déroule tranquillement et dont les arrangements sont très travaillés. Il y a aussi "A Passing Show", dont le texte est grave, poignant, et la musique puissante et "soft" à la fois.

Peux-tu nous parler de Faustine Bosson qui chante sur "Where No One Lives" et assure les chœurs sur d'autres titres de "Nostalgia" ?

Une fois WNOL écrite, Jérôme et moi avons pensé qu'il serait intéressant de l'enregistrer sous la forme d'un duo mixte. Nous avons donc commencé à chercher une chanteuse et c'est alors que l'un de mes amis, Vincent Vercaigne du groupe AMARTIA m'a parlé de Faustine, avec qui il avait déjà monté le duo CHASCA. Nous avons pensé que sa voix correspondrait parfaitement au morceau, et ce fut le cas. Faustine possède un timbre de voix magnifique et un feeling "américain" qui colle parfaitement à l'ambiance de la chanson. Sa voix me fait penser à celle de Norah Jones. En particulier au niveau de son travail avec CHASCA. Nous avons pris un réél plaisir à enregistrer cette ballade. 

Une expérience que tu renouvelleras ?

Probablement, oui. D'une manière ou d'une autre. Ce genre d'expérience est très enrichissant et apporte beaucoup à la musique.

Te sens-tu proche, par exemple, d'un groupe comme Dare qui, comme toi, adoucit sa musique au fil des albums ?

J'aime beaucoup ce groupe. Notamment leur premier album qui reste un chef-d'oeuvre du genre. Notre démarche peut paraître similaire, en effet, même si nos styles respectifs restent différents. Cependant, rien n'est calculé. Il s'agit d'une évolution naturelle. Je me laisse guider par l'inspiration. Celle-ci étant le reflet des émotions du moment, cela se répercute automatiquement sur ma musique. Je pense également que la production et le mixage jouent un rôle important."Nostalgia" est, à mon avis, l'album de Silence qui sonne le mieux car davantage travaillé dans le soucis du détail, bien que paradoxalement moins "surproduit" que les albums antérieurs.

L'année 2004 fut bien remplie pour toi. Soif d'activités ou opportunités à saisir ?

Soif d'activités ! Une carrière solo se gère différemment de celle d'un groupe. J'aime diversifier mes activités musicales pour aller de l'avant, ne pas tourner en rond. Si je ne m'occupais que de Silence, je pèterais les plombs (rire). Il est important de varier les atmosphères. Se renouveler, apprendre, faire des rencontres, se surprendre soi-même... Et puis je fais aussi de la photographie. Une autre passion.

Tu as enregistré un nouvel album instrumental "The Last Words" en sept. 2004. Ce cd a t-il une chance d'être commercialisé ou n'est-il dispo que par l'intermédiaire de ton site web ?

J'espère pouvoir le commercialiser un jour. Pour l'instant, il n'est disponible que par l'intermédiaire du site. Mais qui sait ? ...

Peux-tu me donner plus de détails sur l'album ?

Il s'agit d'un album regroupant des pièces musicales écrites pour la plupart tout au long de l'année 2004. C'est un album très personnel. Je pense notamment à des morceaux comme "Loving You" et "The Last Words"... L'album comporte également une nouvelle version de "Chinese Lullaby" qui figurait déjà sur "Utopia". Il s'agit globalement d'un disque très mélodique, parfois intimiste, tout en renfermant ça et là des parties rythmiques modernes. Difficile en fait de mettre une étiquette sur cet album ! Disons que celui-ci est essentiellement basé sur des ambiances évocatrices, des émotions profondes et n'est pas un album de type "guitariste soliste".

Tu as repris le tube de Gold "Un peu plus près des étoiles" interprété par l'ex-chanteuse de Syrens Call, Valérie Paul. Dans quel but ? Juste pour le plaisir ou pour une autre raison ?

Juste pour se faire plaisir. Un jour que Valérie passait au studio, je lui ai fait écouter, entre autres, cette reprise de GOLD que j'avais enregistrée quelques semaines auparavant. Et puis c'est allé très vite ! Elle s'est mise derrière un micro et nous l'avons enregistrée en deux ou trois prises ! A vrai dire, nous avons d'abord fait cela pour le fun de s'éclater sur une chanson qui a bercé notre adolescence, sans penser à un résultat bien précis. Et puis finalement, en réécoutant, on s'est dit que cela sonnait vraiment bien ! Valérie a une voix merveilleuse, emprunte d'émotions rares. J'assure aussi les choeurs et nous nous sommes agréablement surpris nous-mêmes, n'ayant pas pour habitude d'enregistrer du "français" ! Musicalement parlant, les arrangements sont plus modernes, avec pas mal de guitare. Un super moment, donc. Surtout que cet enregistrement s'est fait sans aucune planification préalable. Au feeling !

Il y a aussi ce projet avec Aurélie Nogue : Karma. Qu'est-ce donc ?

Il s'agit d'un projet parallèle récent basé uniquement sur des reprises (francophones et anglosaxonnes). Aurélie est une chanteuse nantaise qui a beaucoup de talent. Deux morceaux sont déjà en boîte : Une version "rock mélodique" de "En rouge et noir" de Jeanne Mas ainsi que "Time after time" de Cindy Lauper. 

Après 4 albums, quel est le bilan ?

Et bien Silence avance lentement mais sûrement, même si cela reste périlleux ! Le marché de l'AOR n'est pas à son meilleur, même si certains groupes comme Dare ou Pride of Lions tirent leur épingle du jeu. La cheminement de Silence est un peu à part du fait de sa nationalité et de sa discographie anachronique : deux albums instrumentaux puis deux albums chantés. Je pense que l'avenir de Silence se définira essentiellement par rapport au Rock FM et à l'AOR. C'est la musique qui me passionne réellement, et ce, depuis longtemps déjà.

Tes espoirs, tes projets futurs ?

Avant tout, que les gens apprécient "Nostalgia" et que l'album se vende le mieux possible pour permettre à Silence de poursuivre sa route. Quant à mes projets perso, je n'en manque pas, lesquels je l'espère, trouveront le temps d'aboutir. Notamment un album pop/rock/westcoast avec Valérie Paul, et un album de Métal/Indus assez "barré" (rire). J'ai aussi plusieurs projets de "prod", notamment avec Influence, groupe de Rock FM très prometteur, et je reste par ailleurs ouvert à toute proposition dans ce domaine. Je pense également diversifier mes activités dans la musique de pub.

Souhaites-tu ajouter quelque chose pour clore cette interview ?

Un grand merci du fond du coeur à celles et ceux qui soutiennent Silence depuis le début et bienvenue aux nouveaux venus ! J'aimerais aussi dire aux gens de bien réfléchir avant de "pirater" un CD quel qu'il soit. Je n'évoque pas là les grosses multinationales comme Universal ou Sony mais plutôt les labels indépendants ! Et c'est vraiment à la survie de ces derniers qu'il faut penser, car ce sont eux qui créent la diversité, font vraiment vivre la musique et prennent des risques. Cela me fait penser à cette métaphore connue : les battements d'ailes d'un papillon qui peuvent créer un tremblement de Terre. Cela illustre bien le problème. C'est si simple de graver un CD ! Mais à l'autre bout de la chaîne, cela peut engendrer de lourdes conséquences.