1)
Les
lecteurs de Harmonie ne te connaissent probablement pas. Pourrais-tu nous
présenter Silence et nous parler de ton parcours musical ? Bruno
LeVesque : J’ai fait partie d’un certain nombre de
groupes dans les 80’s, et ce, jusqu’en 1992, date à laquelle je me suis expatrié
au Canada. C’est à mon retour, en 1996,
que j’ai décidé de poursuivre en « solo ». Rompre avec la notion de
« groupe » afin de composer la musique qui me tenait vraiment à cœur,
sans compromis et sans tous ces problèmes d’égos souvent inhérents à
la « vie en groupe » ! C’est à cette époque, donc, que je
crée le projet « Silence ». Naîtront tout d’abord deux albums
instrumentaux, dont « Trouble In Paradise », sorti chez
Brennus. Puis « Utopia », sur le label allemand MTM, avec
Jérôme Cazard (ex-Lucretia) au chant, et enfin
« Nostalgia », le nouvel album qui sort actuellement sur le label
espagnol Vinny Records. 2)
Tu
t’apprêtes justement à sortir Nostalgia qui sera le quatrième album de
Silence. Peux-tu nous en dire un peu plus sur sa réalisation ?
La réalisation de « Nostalgia »
à pris environ 1 an. L’album comporte 13 titres, dont un instrumental. Je pense
sincèrement qu’il s’agit là du meilleur album de Silence. C’est un album très
mélodique, émotionnel et, je pense, mâture. Jérôme et moi avons énormément travaillé
à sa réalisation. Dans les moindres détails. Il y a également une voix féminine
(Faustine Bosson du groupe Chasca) qui chante en duo sur un titre et qui assure
plusieurs « backing vocals ». Une bien belle expérience ! 3)
Au
fil des albums ta musique s’assagit de plus en plus. Qu’est ce qui t’a poussé
dans cette direction ?
L’âge, probablement (rire). Non.
Cela s’est fait tout naturellement. J’ai toujours été un fan d’AOR et de Rock
Mélodique en général. Mes influences restent vastes, mais après 20 années de
Hard Rock, j’ai envie d’autre chose. Ma façon de composer a évolué. Moins
alambiquée, plus directe. J’aime les mélodies qui accrochent, celles qui
touchent au cœur immédiatement, sans détour, et dont on se souvient aisément.
Mais faire une musique plus « simple », ne veut évidemment pas dire
« simpliste » ! Il n’y a qu’à écouter « Nostalgia »
pour s’en rendre compte ! 4)
L’association
avec Jerome Cazard au chant depuis Utopia alors que tes 2 premiers
albums étaient instrumentaux a-t-elle été prépondérante dans cette
évolution ?
Pas vraiment car je reste le seul
compositeur dans Silence. Jérome, venant de la sphère « Métal »,
s’était déjà admirablement bien adapté au style musical d’Utopia. Et une
fois de plus, il a fait des merveilles sur « Nostalgia » !
Sa façon de chanter a évolué en même temps que ma manière de composer. L’osmose
parfaite, en quelque sorte. Jérôme est un chanteur fantastique qui possède une
grande sensibilité artistique. 5)
Comme
tu pratiques une musique « soft », si le chant était en français la
frontière avec la variété serait sans doute proche. Cela t’ouvrirait sans doute
aussi d’autres horizons. Est-ce une voie que tu rejettes ou à laquelle tu
pourrais un jour adhérer ?
Certains titres comme « A Passing Show », « Just
Us » ou « Brother » sont assez cools, effectivement,
mais ils cotoyent des morceaux plus « pêchus », comme
« Chrome & Glass », « Time », « In Between
Days » etc.... Non. Je ne rejette pas du tout la voie
« variété » ou « pop », au contraire ! Je ne me mets
pas de barrières. Pas mal de musiques de ce type dorment dans mes tiroirs. Il
est toujours important de se renouveler, de se diversifier sans se renier pour
autant. Je compose beaucoup plus sur « guitare acoustique » que par
le passé. Je ne calcule rien, cela vient comme ça. En ce moment, je travaille
sur un nouveau projet « pop-rock-westcoast » avec Valérie Paul
(chanteuse de Syrens Call). L’élaboration de cet album nous tient vraiment à
cœur et c’est très motivant ! 6)
Tu
pratiques un style musical qualifié de commercial mais qui ne trouve aucun écho
auprès des médias. Pour peu que je sache tu ne donnes pas non plus de concerts.
Qu’est ce qui te pousse à sortir des albums alors ?
La passion, je pense. Et peut-être une
certaine forme d’inconscience ? (rire). Composer est vital pour moi
et le travail en studio me passionne. Je ne pourrais rien faire d’autre. Mais
tu sais, je ne pense pas que l’AOR soit une musique « commerciale ».
En tout cas, plus en 2004 ! Bien que « soft », ce style reste totalement
ignoré des médias. La dernière fois que j’ai entendu un titre AOR tourner en
boucle sur une grande radio, c’était un single de Toto, « Goin’Home »,
je crois. Il y a quelques années ! De nos jours, le Heavy Metal est
beaucoup plus commercial. On en entend partout. Dans les pubs, les B.O. … La
tendance s’est inversée par rapport aux années 80. Quoiqu’il en soit, je ne
sais pas combien de temps durera l’aventure Silence, mais j’espère le plus
longtemps possible. 7)
Avec
le recul as-tu des regrets sur tes précédents albums ? Des choses que tu
aimerais faire différemment ?
En tant que perfectionniste, je ne suis
par définition jamais satisfait à 100%. Je pense que la prod de « Trouble
In Paradise » aurait pu être meilleure … Mais bon, chaque album
reflète une époque, un moment de vie, et il ne sert finalement à rien de regretter ceci ou cela. Le principal étant
d’avoir le sentiment de donner le meilleur de soi-même au moment où l’on fait
les choses. Par ailleurs, je ne réécoute pas trop mes anciens albums. Je les
écoute tellement lors de leur conception ! (rire) 8)
Avec
ce petit garçon qui gravit des marches vers la cité des adultes (Manhattan) la
pochette de Nostalgia est très symbolique. Voulais-tu faire passer un message
quelconque ou as-tu simplement apprécié ce très bel artwork ? Merci ! Au départ, j’ai conçu la pochette sans trop savoir où j’allais. Je voulais simplement un album très … vert ! Une sorte de bouffée de chlorophylle ! Une sensation de proximité avec la nature, avec les textures qui la composent. Et puis j’ai trouvé intéressant de placer ce petit garçon sur ces marches … Chacun peut l’interpréter à sa guise. Les optimistes pensent qu’il se dirige vers la civilisation, à la découverte d’un monde nouveau et enrichissant, dans lequel il pourra s’épanouir. Les pessimistes - dont je fais partie – ont plutôt envie de lui dire : « Stop, mon petit gars ! Ne va pas te perdre là-bas, dans ce monde de fou !» 9)
Tu
es avant tout guitariste. Peux tu nous parler un peu des magiciens de la six
cordes qui t’ont fait vibrer et ont eu une influence sur ton jeu ? A l’origine de tout, j’ai eu envie de me
mettre à la guitare après avoir écouté le premier album de Trust ! Les
rythmiques et les solos déments de Nono ! … Et puis je suis tombé plus
tard dans la vague « guitar héros ». Yngwie Malmsteen et Tony
McAlpine tout particulièrement.
Greg Howe,
aussi.
Dans un autre genre, j’ai toujours apprécié aussi le jeu de Phil
Collen et son style pur et cristallin.A l’heure actuelle, j’écoute moins de
guitaristes, mais j’adore Neal Schon, Rik Emmett, Michael Landau, Tim Pierce …
et puis des « songwriters » comme Mark Spiro, David Foster, Richard
Marx ou Dann Huff. J’écoute aussi beaucoup de « Nu Country ».
10)
Le
lectorat de Harmonie est à la base constitué de fan de rock dit progressif.
Est-ce un genre musical que tu écoutes et qu’en penses-tu en général ?
J’ai beaucoup écouté de Rock et Métal
Prog par le passé. Je me rappelle de la « claque » procurée par « Images
& Words » de Dream Theater ! L’un des meilleurs albums des
années 90, je pense. J’écoutais aussi Everon, Magellan, Shadow Gallery, Aragon,
des groupes comme ça … Saga et Rush, aussi. Même si j’en écoute moins
aujourd’hui et que je ne suis plus trop au courant de ce qui se fait dans le
genre, je continue de penser que c’est l’une des « branches » du Rock
les plus intéressantes et passionnantes qui soit. Une musique très inventive au
travers de laquelle chaque musicien peut vraiment donner libre cours à son
imagination. Un genre musical hors modes. Interview réalisée par Didier Descamps. |